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Les cygnes noirs, ou « black swans » en anglais, est un terme utilisé dans le monde économique pour désigner des événements inattendus. Bien sûr, il arrive que ces cygnes noirs volent parfois dans le monde de la communication. Comment anticiper l’inattendu ? Pour y répondre, prenons le cas des Diables Rouges. 

 

Ces dernières années, les Diables Rouges n’ont pas seulement fait d’énormes progrès sur le plan sportif.  Malgré son image quelque peu poussiéreuse, la fédération de football a travaillé dur pour professionnaliser la gestion de l’équipe nationale. Et cela se manifeste également dans la communication. 

Des campagnes impressionnantes ont alimenté l’engouement pour les Diables Rouges et l’ont porté à des sommets inégalés. La dernière en date est la publicité dans laquelle Roberto Martinez remémore quelques bons moments en compagnie des résurrections virtuelles des sélectionneurs nationaux historiques Guy Thys et Raymond Goethals. Notre équipe nationale est hyper-populaire sur les médias sociaux. Plus de 880.000 followers sur Twitter, un million et demi de followers sur Facebook, quelque 830.000 followers sur Instagram et un peu moins de 120 000 sur TikTok. Tous sont bien dirigés, avec un bon mélange de messages de recrutement et d’inspiration, d’infos sur les joueurs et parfois de clips amusants. 

Et puis il y a les joueurs et le staff eux-mêmes, qui, de nos jours, peuvent rarement être pris en défaut par rapport à leur manière de communiquer avec le monde extérieur. Le sélectionneur national Roberto Martinez a appris les ficelles du métier dans la compétition de football la plus médiatisée au monde, la Premier League anglaise. Et les joueurs aussi sont devenus plus que familiers avec le jeu médiatique. A tel point que le gardien Thibaut Courtois, lors du dernier championnat d’Europe en France en 2016, a pu critiquer les choix tactiques du sélectionneur national Marc Wilmots avec deux interviews bien senties après des matchs perdus, sans déraper lui-même dans sa frustration. 

Autrement dit, c’est une machine bien huilée. Mais même une telle machine peut parfois se gripper, comme cela s’est produit à deux reprises au cours des dernières semaines précédant le championnat d’Europe. 

Cygne noir #1: le vaccin

Le premier « incident » concernait la vaccination des joueurs. Il avait déjà fallu faire des efforts pour que l’équipe soit prioritaire dans la campagne de vaccination belge. Au moment où le feu vert a été donné pour les vaccinations, il est soudainement apparu qu’un certain nombre de Diables y étaient opposés. Non pas parce que ce sont sont des anti-vaccins, mais parce qu’ils avaient peur qu’une éventuelle forte réaction au vaccin perturbe leur préparation. 

En attendant, le ver était dans le fruit. L’image selon laquelle les Diables Rouges ne seraient que des vedettes gâtées ayant boudé un privilège auquel beaucoup de Belges n’avaient pas accès, menaçait d’émerger. Martinez s’est alors mis en action. L’entraîneur a rapidement fait face au scandale. Il a largement abordé la question lors d’une conférence de presse et a clairement indiqué que tous les Diables et le personnel sont pro-vaccins. La fédération de football a ensuite distribué quelques photos de Diables vaccinés, et la tempête est passée. 

Cygne noir #2: Klasjet

Le deuxième « cygne noir » qui a atterri au camp d’entraînement des Diables Rouges s’appelait Klasjet. Il s’agit de la compagnie lituanienne qui a transporté les Diables à Saint-Pétersbourg pour leur match d’ouverture contre la Russie et qui les transportera pour le reste du tournoi. La compagnie aérienne a été critiquée pour les faibles salaires que Klasjet verse à ses employés pour transporter les Diables dans des conditions très confortables. Ce sont surtout les syndicats qui ont exprimé leur mécontentement. 

Cette fois, c’est l’Union belge de football elle-même qui a pris la parole, et non pas Martinez ou les joueurs. Une explication a été donnée : l’avion traditionnel de Brussels Airlines n’était pas disponible et la fédération a préféré voyager depuis Charleroi pour éviter les embouteillages à l’aéroport de Zaventem. Brussels Airlines n’a pas changé d’avis et a déclaré respecter la décision de la fédération, soulignant qu’elle restait « l’un des plus grands fans des Diables Rouges ». Une fois de plus, la polémique s’est arrêtée là. 

4 leçons

Quelles leçons pouvons-nous tirer de ces deux épisodes ? La principale est que vous devez vous rendre compte que vous ne pouvez pas tout prévoir. Ce que vous pouvez faire, cependant, c’est vous assurer que vous êtes en mesure de diriger ces cygnes noirs dans la bonne direction. Voici quelques conseils pour y arriver : 

  • N’éludez pas la question. Ignorer le problème, c’est le laisser fermenter jusqu’à ce qu’il devienne explosif. Quelle que soit la qualité de votre plan de communication, si vous pensez pouvoir faire fuir un cygne noir en vous en tenant à ce plan, vous commettez une grave erreur. 
  • Communiquez de manière brève et déterminée. Amenez le problème dans un contexte où vous avez le contrôle sur les choses. Ne commencez pas soudainement à répondre à des questions à un moment où vous n’êtes pas (encore) préparé à le faire. Organisez un moment de presse séparé pour traiter de la question, après avoir réfléchi à vos messages. Insistez sur le fait que, sauf éléments nouveaux dans le dossier, vous ne reviendrez pas sur l’affaire par la suite, et recentrez-vous sur votre propre calendrier. 
  • Investissez dans des media trainings. Non pas pour apprendre à éviter l’affaire, mais pour apprendre à réagir correctement aux questions inattendues.  
  • Entourez-vous d’une équipe diversifiée. Plus les voix sont diverses lors de la formulation de votre plan de communication, plus vous serez en mesure de repérer les cygnes noirs potentiels.