Les médias traditionnels (de qualité) ne sont pas morts. Au contraire, en période de fake news, de désinformation ou simplement de surabondance d’informations, ils refont surface. Quiconque pense que les médias traditionnels sont morts et qu’il suffit de les contourner par les nouveaux canaux médiatiques risque de commettre une erreur coûteuse. 

 

La tendance des lecteurs à (re)découvrir les médias traditionnels de qualité en temps de crise est tout sauf nouvelle. Le New York Times l’a démontré récemment, au cours de la présidence souvent controversée de Donald Trump. À une époque où les fake news régnaient en maître, et où ces fake news provenaient régulièrement du Bureau ovale lui-même, le journal a vu le nombre de ses abonnés augmenter de façon spectaculaire. À son apogée, le NYT comptait pas moins de sept millions d’abonnés payants, un chiffre jamais atteint auparavant.   

Une grande partie de ces nouveaux abonnements étaient des abonnements digitaux (moins chers). Une conséquence logique de la stratégie délibérée du NYT, qui a installé un paywall depuis 2011. Au troisième trimestre 2020, le journal/site web a donc généré plus de revenus grâce aux abonnements digitaux que grâce aux abonnements au journal papier. 

L’autre grande institution journalistique américaine, le Washington Post, a également vendu beaucoup plus d’abonnements sous le règne de Trump. Une observation tout de même frappante. Les médias traditionnels, et certainement le journal papier, ont déjà été déclarés morts à plusieurs reprises. Les médias sociaux, les nouveaux pure players digitaux, la masse d’information sur internet, tous ont fait des progrès rapides. Mais lorsque le flux d’informations enfle, les gens se tournent à nouveau vers des sources d’informations fiables.  

Cette même histoire est également applicable chez nous, en déduisent les derniers chiffres du CIM (Centre d’Information sur les Médias) pour le marché belge. Quelques statistiques frappantes : 

  • Le marché francophone, qui a été durement touché ces dernières années, a connu une croissance totale de 1 %. Le Soir est le plus grand journal en Belgique francophone avec une part de marché de 23,4%. La plus forte croissance est celle de La Libre Belgique (+14,5%). 
  • Collectivement, les journaux flamands ont connu une croissance de 5%. La plus forte hausse est celle de De Morgen, qui n’affiche pas moins de 22% de croissance. 
  • La digitalisation se poursuit à un rythme soutenu, sous la forme d’une forte augmentation des « abonnements hybrides ». Ces abonnés à ont un accès digital complet au journal de leur choix, tout en recevant le journal sur papier pendant le week-end. Cette formule a permis à De Tijd et De Standaard d’atteindre des taux de croissance respectifs de 9% et 8,3%. 

Il y a là une leçon importante à tirer pour toute organisation, qu’il s’agisse d’une institution publique, d’une ONG ou d’une entreprise. Oui, il est utile d’explorer de nouveaux canaux médiatiques pour que votre histoire y soit racontée également. Cela peut même être tentant, car cela vous permet de contourner le filtre parfois indésirable d’un journaliste. 

Mais n’oubliez pas les médias « traditionnels ». En temps de crise, lorsque les gens cherchent quelque chose à quoi se raccrocher, ils semblent toujours privilégier une information fiable et de qualité, malgré toutes les critiques. Si vous négligez vos relations avec ces médias en période plus calme, vous commencez à prendre du retard lorsque vous en aurez à nouveau besoin, ou lorsque vous remarquerez que votre public cible s’y informe à nouveau. Continuer à investir dans ces contacts médiatiques traditionnels n’est donc pas un luxe superflu. 

Par Kim Evenepoel

Image par congerdesign via Pixabay